Deuxième échelle d’étude
La cathédrale d’Évry
Maintenant que nous avons vu quelles étaient les raisons et les intervenants qui ont permis l’implantation de la cathédrale dans le diocèse d’Évry nous allons définir le lieu qui a été choisi dans la ville. De plus nous allons voir de quelle manière le bâtiment s’insère dans son environnement, quel est son impact et son orientation.
Choix du site de la cathédrale.
Tout d’abord, nous pouvons dire qu’en règle générale, une cathédrale est toujours implantée en milieu urbain :
« A l’image des cathédrales du moyen âge, elle s’inscrit au cœur de la ville. Elle a été édifiée dans la tradition des bâtisseurs… » D’ailleurs, cette habitude d’implanter les cathédrales au cœur des villes ne date pas du moyen âge mais lui est bien antérieur :
« Édifice religieux chrétien, la cathédrale est ou a été l’église de l’évêque d’un diocèse. L’évêque y a son siège réservé, cathedra en latin, origine du mot cathédrale. Depuis le concile de Nicée en 325, le principe de l’établissement de l’évêque dans une ville, chef-lieu de la cité romaine, a eu pour conséquence de localiser la cathédrale dans un site urbain. ». Donc le premier élément à retenir est le choix de l’implantation à l’intérieur même de la ville, au cœur de celle-ci.
Ensuite, il faut se demander pourquoi c’est la ville d’Évry qui a été choisie plutôt que Corbeil, siège initial de l’évêché. En fait, il y a deux raisons principales : pour la première, il faut revenir à la décision de Monseigneur Herbulot de déplacer l’évêché de Corbeil. En effet, il a préféré implanter l’évêché dans la préfecture du département de l’Essonne, et la cathédrale étant le siège de l’évêque, elle devait s’ériger à Évry. La deuxième est que la ville nouvelle d’Évry, nous l’avons vu est une ville sans centre et que la cathédrale allait être l’occasion d’en créer un après plusieurs expériences manquées. C’est ce que nous explique encore Claude Mollard lorsqu’il travaillait sur le Centre Pompidou à Paris :
« Les aménageurs conçoivent un centre, situé à un kilomètre au nord : l’Agora d’Évry. Son inauguration a lieu au moment où, participant moi-même à la construction du Centre Pompidou, je réfléchis aux équipements intégrés. L’Agora d’Évry est alors présentée comme un modèle du genre, associant dans un même lieu une bibliothèque, une salle de spectacle, des espaces d’exposition, un centre commercial, des galeries marchandes, etc. Malheureusement, il ne suffit pas de décréter l’existence d’un centre pour qu’il soit ressenti comme tel par la population. Si le centre commercial, le samedi, attire principalement les habitants, il n’irrigue pas pour autant cette ville. »
Depuis trente ans, beaucoup d’urbanistes ont imaginé la ville comme des réseaux. Ils cherchent des solutions pour régler le problème de la juxtaposition des différentes classes sociales dans la ville. On peut suivre Pierre Amazollini dans L’architecte, l’urbanisme et la société lorsqu’il parle de la différence entre deux types d’agencements : le système de l’arbre et le système en treillis. « Le treillis fait référence à une structure relevant plutôt du réseau dans la mesure où il suffit, selon lui, que deux unités se superposent pour que l’aire de superposition constitue elle même une identité reconnaissable. Il s’ensuit une multiplicité qui, par leur diversité même, doivent s’avérer sur des cas précis difficilement reconnaissables. En revanche, le système de l’arbre est plus simplificateur : « Un agrégat d’éléments constitue un arbre si et seulement si, pour deux ensembles quelconques appartenant à l’agrégat, ou bien l’un est complètement contenu dans l’autre ou bien ils sont totalement distincts ». On peut dire brièvement après ces deux définitions que le système en treillis inauguré dans les villes nouvelles, est apparemment beaucoup plus complexe et semble offrir bien plus de possibilités que le système de l’arbre vu que les zones peuvent se superposer à l’infini pour créer des sous ensembles. Le problème selon Claude Mollard, c’est que l’individu ne trouve plus de point de repère dans sa ville à cause de l’enchevêtrement des éléments qui la composent, il ne comprend plus où il se situe. Donc l’homme a bien besoin de retrouver des centres dans la ville même si l’on pouvait croire que la structure en treillis est plus conforme aux complexités de l’esprit humain et de la vie sociale, « mais l’homme, pour vivre dans la ville a besoin de simplicité ». « Trente ans ont passé et la cathédrale d’Évry vient révéler le besoin de centralité et de simplicité dans l’organisation urbaine. La nécessité d’un centre urbain s’appuie des justifications multiples : le besoin d’identité tout d’abord.. Une même agglomération peut réunir plusieurs centres, c’est le cas des grandes villes comme Paris. Mais la ville à l’échelle humaine, que ce soit la ville moyenne ou le quartier de la grande ville, doit disposer d’un centre principal qui soit non seulement le lieu d’identité mais également celui des fonctions symboliques, des rassemblements et des rencontres. »
Et donc, suite à cela, pour choisir le site de cette cathédrale, on peut se demander ce que va devenir ce bâtiment tellement symbolique dans la ville. Et bien, dans pratiquement tous les ouvrages concernant la cathédrale, on retrouve ce terme : un signe. « Expression de la foi active, la cathédrale apparaît comme la manifestation fondamentale de la volonté de foi d’une communauté. Elle s’inscrit dans l’espace urbain où la place qu’on lui reconnaît a la valeur d’un signe. » Et afin d’illustrer encore ce que nous venons de dire, nous allons simplement citer ici l’auteur de la cathédrale, Mario Botta. Il a, en effet, énormément tenu compte de cette donnée : un signe dans la ville :
« Je pense qu’aujourd’hui la cathédrale est utile aux croyants. Cependant, j’ai annoncé à Monseigneur Lustiger que je proposais de construire une cathédrale pour les non-croyants, puisque pour les croyants, nous n’avons pas besoin de faire des églises. Pour les non-croyants, elle peut probablement constituer un signe de pause à l’intérieur de la ville.
La cathédrale est importante au même titre qu’un théâtre. Le théâtre est important comme institution dans la ville, également pour les gens qui ne vont pas au théâtre. C’est le signe d’un lieu imaginaire, où se concentrent des idées et les représentations de ces idées dont le citoyen a besoin, même s’il n’y va pas. »
La cathédrale devait donc être implantée dans la ville d’Évry pour lui donner un centre. Mais il faut se demander encore quel est le terrain finalement choisi ? Pour quelles raisons ?
En fait, le terrain a été offert par la mairie : « Il convient de préciser, à la décharge de l’Église catholique locale, que c’est la mairie qui a offert cet emplacement, que ce sont les hommes politiques qui ont insisté pour la création d’une cathédrale et qu’il est possible que les habitants aient eu’avantage de l’Église catholique la nostalgie d’un grand bâtiment religieux au centre de leur ville ». Cet emplacement est la place des Droits de l’Homme et c’est à cet endroit-là que nous allons trouver le nouveau centre urbain de la ville :
« Privée de centre véritable, elle doit le chercher, plus à l’ouest, à un kilomètre environ.
C’est à cet emplacement que l’établissement public de la ville nouvelle d’Évry propose à l’évêché d’implanter la cathédrale. Après vingt-cinq années d’hésitation, et d’errance, le centre de la ville nouvelle renoue avec des principes d’urbanisme qui consistent à implanter dans un même espace des activités complémentaires fondamentales telles que la fonction politique (mairie), la fonction culturelle (conservatoire de musique), la fonction commerciale (chambre du commerce), la fonction intellectuelle et de formation (université), la fonction d’accueil (hôtel), la fonction de transport (gare du RER). Il manque la fonction religieuse : la cathédrale va l’incarner. »
Mario Botta aura à installer dans ce site enfin défini, la cathédrale, bien sûr, mais aussi cent logements, six mille cinq cent mètres carrés de bureaux, mille neuf cent mètres carrés de commerces. L’ensemble va former ce que l’architecte appellera le clos de la cathédrale.
Rapport de la cathédrale à son environnement.
« Venant après mille et mille églises, la cathédrale d’Évry construit la ville, réactive les typologies, ancre et défriche de nouveaux espaces et ajoute un chapitre à une histoire ouverte… »
(J.F.P.)
Tout bâtiment a toujours un rapport particulier à son environnement ; que ce dernier soit réfléchi ou non. D’ailleurs, cet environnement peut être bâti ou non et le contexte urbain ou rural. Les cathédrales, au moyen âge, étaient insérées dans un tissu urbain très dense, avec son atmosphère particulière, ses ruelles et ses petites maisons. Aujourd’hui, ces mêmes cathédrales sont dans un environnement beaucoup plus dégagé, afin de les mettre en valeur au centre de la ville. Dans le cas de la cathédrale d’Évry, il s’agit, nous l’avons vu, d’un site urbain, au cœur d’une ville nouvelle, sur une place regroupant diverses fonctions. Aussi, « construire une nouvelle cathédrale dans une ville nouvelle a dû poser d’emblée deux problèmes. Tout d’abord se confronter à un paysage urbain qui n’a rien de commun avec les villes et les villages traditionnels, homogènes dans leurs constructions, au sein desquels l’image convenue d’une cathédrale est inscrite pour beaucoup d’entre nous. Cette image est faite de deux contrastes :
homogène (la ville) – exceptionnel (la cathédrale)
bas (la ville) – haut (la cathédrale).
Sur quel contraste jouer dans une ville nouvelle pour signifier la spiritualité chrétienne, alors que tout se veut exceptionnel et que la hauteur, n’est plus le privilège de l’église ? Ensuite, une nouvelle cathédrale est aujourd’hui un bâtiment privé, construit par l’une des Églises de l’une des religions que l’on trouve en France. Elle ne peut plus être le bâtiment fédérateur et central qu’elle fut au temps où le catholicisme était religion d’État. A Évry, il fallait donc inventer la place d’une nouvelle cathédrale catholique dans une société laïque ». C’est sans doute pour cette raison que la cathédrale du XXème siècle vient se positionner avec un ensemble de divers bâtiments et non sur un pied d’estalle à un endroit particulier de la ville. En fait, on peut dire que la cathédrale a été conçue comme une manière de faire évoluer un tissu urbain en cours de façonnage.
« La cathédrale s’installe sur la place des Droits de l’Homme, conçue par Katryn Gustafson et dessine le nouveau centre ville avec sur le coté sud-est, la mairie et le conseil régional, à peu de distance au nord, l’Université et à l’écart au sud, le Conservatoire national de Musique et de Danse.
Plus près, dans la même direction, une sorte de grand G de bâtiments d’habitations et de bureaux, « le clos » dit Mario Botta, l’entoure, la ceint, évite la « logique cruelle d’un bâtiment contre l’autre et forme un socle, une place où elle s’élève. »
On peut remarquer que la cathédrale est un facteur de cohésion important entre les bâtiments et les espaces se situant tout autour d’elle. C’est d’ailleurs là son nouveau rôle dans le tissu urbain, c’est dans cette logique qu’elle trouve un rapport à son environnement. D’ailleurs, la force même du projet tient pour une bonne part dans son souci d’intégration urbaine.
A présent, nous allons citer l’architecte Mario Botta en ce qui concerne le rapport de l’édifice-cathédral avec son environnement bâti. En effet, il va nous présenter la volumétrie générale de l’édifice. Il faut d’ailleurs reconnaître que c’est bien souvent grâce à cette dernière que l’architecte parvient à exprimer ses intentions par rapport à l’architecture environnante :
La cathédrale est « le lieu physique devenant élément de référence pour la lecture de la ville, pour l’organisation des espaces publics. Alors j’ai pensé que la cathédrale pouvait représenter ce qu’elle était dans le passé, l’élément qui exprimait un pouvoir religieux, mais aussi un signe de l’histoire des hommes. La difficulté, c’était de trouver un repère capable de recoudre le tissu urbain environnant et d’être le signe d’un événement au delà d’une fonction directe. C’est pour cela que j’ai cherché à échapper au danger de mettre un objet à coté d’autres objets en créant un élément séparé des bâtiments proches, la mairie, la chambre de commerce, la maison de la musique, l’hôtel, avec une forme totalement différente. Le système d’habitation en couronne établit des espaces dessinés, des vides à travers lesquels le plein ressort comme émergence. C’est un peu paradoxal, mais à travers la forme tellement solide et plastique du cylindre, j’ai davantage cherché les rapports avec les autres éléments de la ville, conscient du vide que ce volume est capable d’engendrer ».
L’intention de Mario Botta pour l’implantation de la cathédrale par rapport à son environnement urbain est donc la suivante : il a considéré le bâtiment à concevoir comme un élément en soi. On pourrait même dire, un élément intouchable qui dans son insertion urbaine ne doit pas être influencé par les bâtiments alentours. C’est peut-être d’ailleurs le propre d’un bâtiment religieux que d’avoir une forme qui n’est définie que par lui-même. Nous pouvons affirmer cela dans la mesure où les bâtiments religieux, à quelques exceptions près, ont toujours été édifiés en fonction d’un modèle idéal et non par rapport à un environnement bâti. D’ailleurs, à l’origine, il est vrai que le lieu de culte était construit avant l’environnement bâti et que c’est ce dernier, en définitive qui s’adaptait à l’église. Dans le cas de la cathédrale d’Évry, le bâtiment implanté crée un espace autour de lui. Et c’est ce vide que l’on peut considérer comme structurant sur cette place des Droits de l’Homme.
L’intention par rapport au bâti environnant ne se limite cependant pas au vide structurant établi grâce au cylindre. Celui-ci est appuyé par l’ensemble des éléments architecturaux extérieurs de la cathédrale :
« J’ai nié complètement la façade qui est devenue toiture. La coupure à 45° devient un signal du coté sud, comme une auréole suspendue sur la ville. Et c’est pour cela que j’ai insisté sur cette couronne d’arbres de la toiture pour lui donner un caractère encore plus surréaliste. »
En nous éloignant quelque peu de « l’implantation » de la cathédrale dans son site, il nous semble important de compléter les intentions de l’architecte au sujet de l’intégration de l’édifice sur la place. En effet, même s’il crée un volume niant les autres bâtiments et que c’est le vide qui fait le lien entre les éléments, l’unité du matériau utilisé, la brique, présente dans tous les bâtiments symboliques réunis sur ce même lieu, concourt de façon évidente à intégrer la cathédrale dans la ville.
Orientation générale du bâtiment.
On peut difficilement parler de l’implantation d’un lieu de culte dans son site sans parler d’orientation. En effet, c’est une donnée très importante dans la mesure où les points cardinaux ont toujours été fortement chargés de symboles. De plus tout édifice religieux a une réaction à présenter par rapport au soleil. Ainsi, nous pouvons affirmer que la plupart des bâtiments cultuels, qu’ils soient chrétiens ou païens, ont pour référence l’axe est-ouest. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils sont orientés exactement dans cette direction mais qu’ils y font tout au moins référence. Nous développerons différentes raisons d’orientation de lieux de culte dans la partie de généralisation sur la question. Ce qui est important ici, c’est d’avoir à l’esprit que le rapport aux points cardinaux ou à la course du soleil en ce qui concerne l’édification d’une église ou d’une cathédrale, n’est jamais le fait du hasard mais toujours la conséquence d’une vive réflexion sur le sujet. De ce fait, nous allons essayer de voir quels sont les éléments qui sont pris en compte par un architecte du XXème siècle concernant ces éléments extérieurs.
Tout d’abord, nous allons étudier les éléments pris en considération pour implanter la cathédrale par rapport aux points cardinaux ; a-t-elle un axe particulier ? En fait, il faut rappeler que la cathédrale est de forme cylindrique et qu’un cercle, par définition est « centré ». Cependant, il nous faut suivre Mario Botta lorsqu’il dit : « j’ai fait cette forme de cylindre qui rappelle les anciennes églises à plan central mais j’ai introduit une coupure et j’ai donné une orientation. J’ai réinterprété l’iconographie occidentale et chrétienne du plan rond d’origine byzantine et du plan orienté, la croix latine. C’est un mélange des deux types ». L’orientation de l’édifice est donc réalisée par la coupure à 45° effectuée dans le cylindre. Celle-ci est dirigée vers le sud (sud-est en réalité) et elle devient une sorte de signal dans cette direction, « comme une auréole suspendue sur la ville ». Le bâtiment est orienté nord-ouest sud-est et n’a donc pas, apparemment de références aux points cardinaux, même s’il donne l’impression d’un axe orienté ; il fait d’avantage référence à la ville dans laquelle il est implanté.
Cependant, on peut dire que dans cette cathédrale de Mario Botta, les préoccupations relatives au soleil et aux cycles des saisons sont assez importantes, mais ne sont pas exprimées comme dans les anciens lieux de culte.
D’une part, il est important de faire remarquer ici que le bâtiment est parfaitement cylindrique et qu’il est entièrement recouvert d’un appareillage en briques de terre cuite. Le parement est ouvragé de telle manière que la surface ne soit pas lisse. Ce qui a pour conséquences d’accrocher la lumière du soleil au fur et à mesure des heures qui passent.
D’autre part, il y a un autre élément d’importance dans l’insertion de la cathédrale dans les mouvements solaires : la coupure à 45° effectuée dans le cylindre est coiffée d’une couronne de vingt-quatre arbres qui sont des tilleuls argentés. Ceux-ci, de la même manière que l’appareillage de briques sur le cylindre permettait de faire prendre conscience du plus petit cycle qu’est une journée, vont matérialiser le cycle de l’année qui s’écoule. Des bourgeons poussent, des feuilles s’épanouissent, brillent sous le soleil de l’été, jaunissent puis tombent…et des bourgeons poussent…
« Dès que l’on approche de l’édifice, on est frappé par l’alignement et l’ordonnancement des briques élégamment disposées, dessinant des motifs abstraits, suscitant des jeux d’ombre et de lumière.(…)La cathédrale épouse ainsi la course du soleil, elle joue avec la nature, s’offrant une couronne d’arbres dont les mouvements sous l’effet du vent se perçoivent de l’intérieur à travers la verrière. Cet édifice profondément ancré dans la terre, construit de briques de terre et prolongé par des bacs de terre nourrissant des arbres, est une véritable apologie de la fonction chlorophyllienne : le circuit de la lumière et de l’eau donne vie au bâtiment lui-même, et le cycle des saisons permet chaque année d’assister à la résurrection printanière. »
A l’intérieur de l’édifice, en plus de vitraux, c’est la grande verrière triangulaire qui témoigne de cette prise en compte de l’élément soleil.
« En définitive, ce qui frappe à l’intérieur de cet édifice, c’est la perfection du cercle, et, en même temps, l’orientation que l’architecture souligne, c’est la concentration de l’esprit favorisé par l’ambiance de la chapelle de jour, ce sont les variations de la lumière autorisées par des rideaux mobiles situés sous la verrière, c’est la sobriété des couleurs : le rouge, le noir pour les matériaux de base, et le bois blond pour les sièges ; c’est fondamentalement surtout, une liaison entre la terre et le ciel. Celle-ci est l’idée de base qui fonde la cathédrale et lui donne toute sa beauté. »
Généralisation
Choix du site d’un lieu de culte.
« L’église qui domine le village est érigée sur un tertre, tout comme les dolmens surplombaient les lieux environnants, c’est sur la montagne sacrée que la parole est révélée ; on doit gravir les traverses d’une échelle pour atteindre le lieu saint. Au sommet de la colline apparaît la source… »
« Le choix d’un emplacement convenable pour édifier une construction aussi importante que la demeure du Très Haut et la maison commune du peuple chrétien était une affaire de grande conséquence. On comprend volontiers que la topographie et la géographie aient joué un grand rôle dans le choix d’un site. »
Par exemple, le choix d’emplacement pour les églises romanes de Lorraine s’est dans la plus grande majorité des cas porté sur des sites élevés. Peut être le faisait-on pour s’y retrancher en cas de besoin, pour mieux entendre les cloches, pour découvrir depuis leurs tours un vaste panorama, mais sans doute que la raison la plus compréhensible est pour les rendre les plus belles et les plus voyantes possible !
Ensuite, nous allons prendre pour base l’analyse que fait Michel Chevalier dans La France des cathédrales du IVème au XXème siècles au sujet des sites des cathédrales en France. À partir de là, nous pourrons généraliser à d’autres églises pour le choix géographiques des emplacements de lieux de culte. Ceci, bien sûr à l’exception de l’implantation obligatoire de la cathédrale en ville.
Les cathédrales, nous l’avons vu, se situent toujours en milieu urbain, siège de l’évêché, et leur site dépend forcément de la ville concernée. Cependant, on peut dire dans un premier temps que la cathédrale se situe soit au centre soit en périphérie de la ville, en bordure de l’enceinte et parfois en contact immédiat de celle-ci. Dans le cas d’une implantation au cœur de la cité antique, on peut citer la cathédrale d’Aix-en-Provence qui est établie à proximité immédiate du forum, au croisement du cardo et du décumanus. En ce qui concerne le deuxième cas, on peut citer la cathédrale de Narbonne dont seul le choeur a été construit, faute de place suffisante contre le rempart. Nous pouvons encore citer la cathédrale du Mans qui elle, a éventré le rempart afin de prendre toute la place dont elle avait besoin.
En ce qui concerne les sites géographiques des cathédrales, nous pouvons les regrouper en deux grandes catégories : les sites en hauteur et les sites en plaine ou dans les vallées. « En somme, les cathédrales françaises occupent aussi bien des sites plus ou moins perchés que des sites déprimés. » Par exemple, « La cathédrale de Reims est établie dans la plaine champenoise et celle de Strasbourg dans la plaine rhénane, celle de Narbonne dans la plaine littorale, etc. Dans certains cas, ces cathédrales de plaine sont plus spécialement associées à une vallée fluviale dont les versants dominent plus ou moins nettement les tours et les flèches médiévales. On a alors affaire soit au fond de vallée lui-même, soit, plus fréquemment, à un replat ou à un élément de terrasse pratiquement insubmersible. (…) Les sites de hauteur peuvent se limiter à une colline dominant la rivière de quelques dizaines de mètres. L’intérêt défensif est en général assez limité. En revanche, la cathédrale est souvent, dans ce cas, si bien mise en valeur que ses tours peuvent être très visibles à dix ou vingt kilomètres à la ronde. Le cas le plus illustre est évidemment celui de la cathédrale de Chartres, établie au sommet d’un éperon de confluence qui domine l’Eure d’une trentaine de mètres. »
Nous pensons qu’il est important de souligner ici, qu’en plus du choix en rapport au relief pour l’implantation d’un lieu de culte d’une aussi grande importance qu’une cathédrale, on retrouve à peu près toujours une rivière, ou tout au moins une source ou un puits (ou plusieurs de ces éléments à la fois).
Ensuite, il nous semble intéressant de parler d’un autre type de sites convoités pour un lieu de culte. Il s’agit d’emplacements situés dans la roche ou encore en sous-sol. En effet, la symbolique de la terre est très importante pour la chrétienté. Très tôt, il a été admis que Jésus était né dans une grotte. De plus, le début de l’histoire de la chrétienté est fortement lié au sous-sol puisqu’elle a démarré dans les Catacombes, au cœur de la terre mère :
« L’avènement du christianisme devra beaucoup au sous-sol, telle est la sensation de ceux qui étudient les plus anciens sanctuaires de la chrétienté. Que ce soit en Éthiopie, en Égypte, ou dans nos pays occidentaux, le rôle des ermitages, des communautés et des sanctuaires établis en souterrain est primordial. La propagation d’une fois prêchant la pauvreté, ou tout au moins la probité, trouvait une transposition de ses principes de base égalitaire dans la demeure des pauvres et des morts : le troglodysme. » Nous pouvons ajouter que ces ermitages sont creusés soit a flanc de colline, soit en terrain plat. Sans être le lieu d’un ancien ermitage, nous pouvons citer la basilique de Syracuse à Lourdes comme exemple de réalisation en sous sol.
Aussi, on ne peut pas parler de sanctuaires souterrains sans évoquer le début du monachisme. Les premiers couvents et monastères se sont établis en effet à l’emplacement de ces ermitages souterrains, du moins là où le lieu était devenu célèbres ; c’est par exemple le cas à Marmoutier. A la place d’autres, on trouvera des églises ou des chapelles, et enfin d’autres encore serviront de crypte à nos églises actuelles.
Puisque nous abordons le sujet des monastères, il nous semble nécessaire de parler brièvement des églises abbatiales. Celles-ci sont évidemment liées à leur abbaye et donc au besoin environnemental de la communauté monastique à laquelle elle est attachée. La constante que l’on peut retrouver dans les différents ordres, est le besoin d’eau. Ensuite, certains sont des ordres urbains ; on peut citer le cas du couvent dominicain d’Évry. Et d’autres, comme les cisterciens ont besoin de sites isolés, en pleine campagne ; c’est par exemple le cas pour l’abbaye de Citeaux.
Pour terminer, lorsque nous avons parlé du terrain choisi pour la cathédrale d’Évry, nous avons évoqué le fait que c’est grâce à la mairie qu’un terrain avait été obtenu. En effet, en plus des exigences ou des préoccupations citées ci-avant concernant le choix de l’emplacement d’un lieu de culte, il ne faut pas oublier que bien souvent l’Église doit profiter d’opportunités proposées par l’État ou des propriétaires terriens. Toute une discussion a par exemple eu lieu lorsqu’il a fallu choisir le site d’érection du Sacré Cœur de Montmartre dans les années 1870. L’église devait être érigée à Paris. A la place de l’Opéra, liée au trocadéro ? Par l’agrandissement de l’église paroissiale de Saint Sulpice ? Par l’embellissement d’une chapelle de Notre Dame de Paris ? A Belleville rue Haxo ? Enfin sur la butte de Montmartre ? C’est le sommet de la butte qui est finalement choisi et les discussions ont lieu avec l’État, encore une fois, par l’intermédiaire à cette époque du ministre des Cultes qui vend ses terrains et permet les expropriations nécessaires à l’édification de l’église.
Implantation d’une église sur un ancien lieu de culte.
Afin de compléter la partie portant sur le choix d’un lieu de culte, nous pensons qu’il est nécessaire de parler de la réutilisation au cours du temps des mêmes sites. En effet, bien souvent, lorsqu’on parle de construction d’églises, il s’agit de reconstruction sur le site d’un lieu de culte chrétien ou non qui existait déjà.
Nous avons déjà évoqué plus haut la transformation des ermitages souterrains en monastères, églises ou chapelles : « A compter du XIIème siècle, les ermitages ne seront plus guère occupés (sauf dans le cas de Gurat qui connaîtra son apogée au XIIIème siècle). Certains d’entre eux seront transformés en lieux de pèlerinage, d’autres donneront naissance à des chapelles ou églises souterraines de villes et villages souvent partiellement troglodytiques, d’autres disparaîtront au profit d’églises bâties étalant leur luxe et faisant fi du souci de simplicité des siècles passés. »
Ensuite, nous pouvons dire que les sites élevés eux aussi, choisis pour leurs caractéristiques géographiques, ont été de tous temps réutilisés. On peut citer comme exemples parmi des milliers d’autres la chapelle Saint Michel dans la région de Carnac, les menhirs christianisés et toutes nos cathédrales actuelles (sauf celle d’Évry, bien entendu !) :
« Les Chrétiens, en s’implantant sur les lieux de croyances païennes vont ainsi restaurer le culte antérieur et l’intégrer à l’enseignement de l’Église. Cette conversion fut l’objet d’une longue évangélisation durant les premiers âges du christianisme et les paysans étaient très attachés aux croyances ancestrales. l’Église dût s’adapter et christianiser ces lieux ou objets de vénération. »
Aussi, les cathédrales se sont en effet toujours succédé sur le même site de l’époque des mégalithes jusqu’à la grande époque gothique. « Des sondages archéologiques ont d’ailleurs révélé des superpositions qui ont pu se constituer durant plus d’un millénaire. » Nous pouvons à ce sujet citer l’exemple de la cathédrale du Mans où on retrouve la trace du culte païen le plus ancien, puisque se trouve intégré à la construction de l’édifice le menhir placé à l’origine en ce lieu : « Le cas le plus célèbre, au Mans, est celui d’un menhir en grès local, voisin d’un dolmen disparu à la fin du XVIIIème siècle. Ce menhir, la Pierre au Lait, a subsisté jusqu’à nos jours, à l’angle sud-ouest de la nef de la cathédrale. »
C’est aussi le cas à la cathédrale de Chartres. Elle a été érigée sur un tertre qui au temps des chrétiens était un des lieux de pèlerinage les plus encourus de France. « Mais avant la chrétienté, les Gaulois s’y rendaient en foule et, bien avant encore, tout le monde celtique, fut-il d’outre Rhin. » En effet, les historiens « admettent tous qu’il y eut un temple gallo-romain auquel succéda un édifice chrétien des premiers âges, ayant même orientation que la cathédrale et dont le chevet rond empruntait – comme à Bourges – les parties basses d’une demi tour de défense gallo-romaine.
Cette partie basse qui faisait crypte, existe encore et est connue sous le nom de « Caveau de Saint Lubin ».
Ce caveau fit partie d’une église du IXème siècle, connue sous le nom d’ « Église de Gislebert ». Quelques murs épais en demeurent dans les soubassements, grâce auxquels on sait que cette église avait également la même orientation ; et qu’elle n’entamait point le Tertre sacré.
Elle fut détruite de fond en comble par un incendie dans la nuit du 7 au 8 septembre 1020.
L’église de Gislebert détruite, l’évêque de Chartres, Fulbert, en entrepris immédiatement la construction, ayant fait appel, comme maître d’œuvre à un laïque méridional, que l’on qualifiait de bon architecte. L’église de Fulbert était romane et couverte en bois, sans contre-butées d’angle.
En septembre 1134, un incendie ravagea la ville de Chartres brûlant l’Hôtel-Dieu installé près de l’église et atteignant celle-ci. Dans le désastre, elle perdit son porche occidental et le clocher y attenant.
C’est à la suite de cet incendie que l’on entreprit la construction des tours que nous connaissons, non point près de l’église, mais fort en avant de celle-ci.
Dans le but, disent les historiens, d’allonger l’église de Fulbert. »
En dernier exemple, nous voudrions encore citer le cas de Notre Dame du Haut à Ronchamp de Le Corbusier et dont le site est décrit ici par l’architecte lui même : « Colline qu’on appelle un « haut lieu ». Autrefois s’y élevèrent des temples païens, puis des chapelles chrétiennes, chapelles de pèlerinage qui furent dédiées à Notre Dame du Haut et vinrent en foule, chevaliers, croisés, moines, artisans et manants. Ainsi pendant des siècles. C’est la guerre qui abolit la dernière chapelle. »
Rapport du lieu de culte à son environnement.
Nous allons commencer par traiter de l’environnement bâti des cathédrales. Ce qui va regrouper, une fois de plus, le cas de certaines églises : celles qui sont établies en milieu urbain.
On peut parler de cathédrales dominatrices et de cathédrales modestes. D’une part, il faut rappeler que le contexte urbain n’est plus du tout le même qu’au moment où les grandes cathédrales ont été construites : La « domination de la cathédrale constitue souvent, même là où elle a existé, un fait du passé. De nos jours, le développement illimité des grandes villes, la poussée des immeubles de grande hauteur suscitent un tissu urbain hypertrophié au sein duquel la cathédrale, si vaste soit elle, est un peu perdue ». Et si aujourd’hui on les dégage de leur tissu urbain à l’origine très dense, c’est sans doute pour leur redonner un peu de leur puissance perdue. Cependant, il reste des villes où la cathédrale domine toujours : « nombreuses sont les villes petites ou moyennes où la cathédrale qui, du fait des destructions de la Révolution et du XIXème siècle, est devenue l’église quasi unique, continue à tout dominer de sa masse. De toute évidence, on pense surtout à la moitié nord de la France : Coutance, Laon Meaux, Saint Omer, Tréguier, ville « née d’une cathédrale », disait A. Le Braz, et, pardessus tout, Chartres. »
D’autre part, il faut dire qu’il n’y a pas en France que des cathédrales ayant l’importance des immenses vaisseaux gothiques. Beaucoup de villes ne possèdent qu’une cathédrale modeste, qui donc a un tout autre rapport à son environnement urbain : elles ne dominent pas. C’est surtout le cas dans les régions méditerranéennes. Nous pouvons citer pour exemple les villes de Apt, Fréjus, Grasse, Orange ou Vence.
Ensuite, nous pouvons prendre en considération le cas d’églises bâties en pleine campagne. Il s’agit donc de lieux de culte édifiés dans un environnement totalement végétal. En Général, dans l’histoire, dans ce cas-là, les églises prennent entièrement leur forme par rapport à leur fonction, tout au moins en ce qui concerne leur implantation en plan. Par contre, leur rapport au site est souvent plus significatif en élévation où le bâtiment vient souvent terminer le haut d’un relief ; colline ou montagne.
Il en est tout autrement au XXème siècle, dans la mesure où les architectes ne conçoivent plus les bâtiments religieux en fonction d’une forme ou d’un style établi depuis des siècles mais réagissent à une fonction, à un site, avec un vocabulaire et une sensibilité qui leur est entièrement propre. Ceci est vrai autant pour les églises bâties en milieu urbain qu’en milieu rural. Nous allons prendre comme exemple pour illustrer cette affirmation la chapelle Notre Dame du Haut à Ronchamp. Le site d’abord : « Une butte de grès. C’est le dernier contre fort des Vosges. Le site, c’est à l’ouest les plateaux et les plaines ondulées de la Haute Saône, à l’est les plaines arrondies de la chaîne des Vosges, vers le sud les plis du Jura et les Pics des Alpes. Un site profondément humain dans la lumière bleutée des forêts. » Le projet de Le Corbusier est basé sur un édifice de plan rectangulaire. Les liens avec l’environnement sont établis « par les formes de l’édifice inspirées des lignes courbes du paysage ». Lorsque l’on se déplace autour de l’édifice, les façades nous donne des réponses aussi diverses que les paysages sont différents dans les directions des quatre points cardinaux décrits ci-dessus. Le contourner est une promenade faite d’autant de surprises que le serait une promenade dans le site lui-même.
Ici donc, l’architecte a fait réagir le bâtiment à son environnement en lui donnant un répondant formel que nous pourrions qualifier d’extraverti, alors qu’à Évry, nous l’avons vu, nous avons d’avantage le cas d’une réponse introverti ; le vide étant le lien à l’environnement.
Enfin, nous voudrions encore aborder le cas des églises abbatiales. En effet, le rapport à leur environnement est tout particulier dans la mesure où le contexte bâti est édifié en même temps que le lieu de culte. L’église est au cœur d’un ensemble de bâtiments servant à la vie monastique et elle a des rapports très précis à avoir avec ces derniers.
Le rapport des différents bâtiments entre eux a un modèle qui est le plan de l’abbaye de Saint Gall. « Les principaux bâtiments étaient organisés autour du cloître. (…) Exactement comme le jour est divisé par la Règle de Saint Benoît en périodes successivement réservées à la prière, à l’étude, et aux tâches matérielles. » L’église donnait au paysage l’élément le plus élevé et dominait tous les autres bâtiments de l’abbaye. Elle devait être directement en relation au dortoir pour faciliter les déplacements de nuit, et on peut dire que dans nos régions l’ensemble bâti était assez dense autour de l’église. Par contre, en Orient par exemple, vu que le climat le permet, l’église est entièrement isolée au milieu d’un grand espace libre.
Orientation générale du bâtiment.
Tous les édifices religieux sont orientés. Depuis les pyramides égyptiennes, mexicaines, jusqu’aux temples égyptiens, hindous, chinois nous trouvons le constant souci de situer le temple dans une position et avec des préoccupations particulières par rapport au soleil. Nous avons vu dans les choix de Mario Botta cette attention toute particulière donnée à la lumière. Aussi, nous avons cherché à savoir et à comprendre les motivations qui ont poussé les architectes et constructeurs de tous les temps à tenir compte d’un axe, d’une orientation.
Selon Michel Chevalier, dans son livre la France des cathédrales du IVème au XXème siècles, « la règle est que le chevet soit tourné vers l’est, vers Jérusalem et la Terre Sainte (avec parfois une forte déviation due à la topographie locale). » Et cette règle cesse en général d’être respectée à la fin du moyen âge et la première église faisant exception est Saint Pierre de Rome de Bramante et Michel Ange au XVIème siècle. Mais déjà, plusieurs auteurs affirment que la direction adoptée par les chrétiens pour orienter leurs lieux de culte n’est pas celle de Jérusalem, mais celle du soleil levant. « Déjà le Livre de la Sagesse disait : « il faut prévenir le soleil dans son action de grâces et regarder vers le lever de la lumière. » De même Origène : « Comme il y a quatre points cardinaux, le nord, le midi, l’occident et l’orient, qui ne reconnaîtrait aussitôt que l’orient manifeste évidemment que nous devons prier de ce coté, ce qui est le symbole de l’âme regardant vers le lever de la véritable lumière. » De même Saint Augustin : « Quand nous nous tenons debout pour prier, nous nous tournons vers l’orient, l’endroit d’où monte le soleil. » Quant à Saint Thomas, il fait référence d’abord au soleil levant, ensuite au paradis terrestre, enfin au retour du Christ, selon Saint Matthieu : « comme l’éclair qui part de l’Orient luit tout d’un coup jusqu’à l’Occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’Homme. » C’est pourquoi l’assertion communément répétée selon laquelle les églises chrétiennes d’Occident seraient tournées dans la direction de Jérusalem n’a qu’une valeur approximative et purement allégorique… » Nous citons encore Suzanne Robin dans Églises modernes qui affirme que « les chrétiens n’attendent plus la Jérusalem terrestre même après sa restauration par Constantin en Cité chrétienne. Ils attendent la Jérusalem céleste qui sera faite du rassemblement des élus dans le temple éternel. La direction du soleil levant sera, pour les Chrétiens, le symbole de la dernière apparition du messie. »
Dès l’origine de la chrétienté, les bâtiments religieux ont été orientés par rapport à l’est, au soleil levant. Cependant, de même que nous l’avons déjà fait remarquer ci-dessus, l’orientation par rapport à l’est subit parfois des fortes déviations. Michel Chevalier parlait de conséquences dues à la topographie. D’autres auteurs, qui travaillent dans un domaine moins tangible et qui utilisent des données de géobiologie donnent d’autres réponses à cette interrogation.
« Le principe fondamental de l’orientation consiste à refléter, à suivre sur la Terre la trace du mouvement des astres, et en particulier celui du soleil lors des cycles annuel et journalier. Car le soleil a toujours et partout été considéré comme l’image visible du Verbe divin inatteignable par les sens. Chaque jour, le cycle solaire, de son lever à son coucher, répète analogiquement le début, l’apogée et la fin de tout cycle, de toute manifestation. » Les constructeurs vont donc commencer par observer le soleil et prendre des repères par rapport à lui : « La première opération de « sacralisation de l’espace, c’est-à-dire de mise en accord du Ciel et de la Terre va donc consister, nous dit Vitruve, qui exprime la tradition étrusque et romaine, à viser à l’aide d’un gnomon le point de l’horizon où le soleil se lève, puis celui où il se couche, ce qui va nous donner deux directions (remarquons aussitôt que ces deux directions ne seront en ligne droite et ne représenteront exactement la direction est-ouest qu’au moment des équinoxes). Il sera alors facile d’élever une perpendiculaire qui représentera la direction nord-sud. Nous avons en plan le « cardo » vertical et le « decumanus » horizontal de toute ville sacrée, et le principe fondamental de l’orientation de tout temple. » (illustration dans 8 p.273)
Nous avons vu que les églises médiévales étaient orientées avec un certain décalage par rapport à l’axe est-ouest. De plus, nous venons de voir que le soleil ne se lève exactement dans la direction de l’est deux jours dans l’année, au moment des équinoxes. En fait, « la règle théorique de l’orientation des églises médiévales semble avoir été celle-ci : une église chrétienne doit être orientée dans la direction où le soleil se lève le jour de la fête du saint auquel elle est dédiée. » C’est une règle admirable et ayant un profond symbolisme cosmique, mais que « l’esprit pragmatique du temps transgressait fréquemment ». De plus cette façon de comprendre les choses pose évidemment le problème du manque de connaissances exactes concernant le calendrier de l’époque. Néanmoins, nous allons ici illustrer cette théorie par deux exemples flagrants. D’une part, nous pouvons dire que toutes les églises Notre Dame sont orientées dans la direction où le soleil se lève le 15 août, fête de Sainte Marie, et se couche le 1er mai (début du mois de Marie). C’est par exemple le cas de la cathédrale Notre Dame de Reims. D’autre part, prenons le cas de l’église abbatiale du Mont Saint Michel. L’axe de l’abbatiale regarde le soleil se lever les 8 mai et 6 août et se coucher les 2 février et 11 novembre. Le 2 février est la fête de la purification, de la présentation au temple ; le 11 novembre est la Saint Martin en mémoire de l’évangélisateur des Gaules, le 8 mai est la Saint Michel de Printemps ; et le 6 août est la transfiguration du Christ.
Ce même genre d’études a été mené sur des dolmens et les mêmes constatations ont été faites à la différence près que les hommes des mégalithes n’avaient pas le calendrier chrétien pour référence. Pourtant, c’est déjà à cette époque le levé du soleil qui est pris comme direction majeure :
« Il est vrai que l’orientation est un des points importants du système mégalithique. La plupart des dolmens sont parfaitement orientés soit sur le soleil levant, soit le soleil couchant. Des sites plus privilégiés fonctionnent sur des points solsticiaux bien déterminés, en l’occurrence le lever du soleil au solstice d’été. C’est notamment le cas de Stonehenge ou de Gavr’inis. D’autres comme Newgrange ou le dolmen de la Table des Marchands fonctionnent eux sur le solstice d’hiver, c’est-à-dire en liaison avec le « Royaume des Morts ». Par exemple, à Newgrange en Irlande, quatre minutes après le lever du soleil, le premier rayon de soleil du 21 décembre éclaire le fond de la chambre dolménique. Le phénomène dure 17 minutes et ceci pendant une quinzaine de jours, jusqu’au 28 décembre (correspondant entre autre à la période de sollicitation des graines qui germeront au printemps, le solstice d’hiver est lié au symbolisme de la renaissance).
En fait, la lumière activerait le phénomène piezo-électrique du lieu et donc l’énergie dans les lieux de cultes est plus importants à certains moments de l’année. C’est pourquoi les constructeurs d’églises ont choisi de faire entrer d’une certaine manière la lumière dans l’édifice pour les grandes fêtes de l’Église. D’ailleurs, celles-ci correspondent bien souvent aux dates des fêtes de nos ancêtres les Celtes qui ont été reprises par les Chrétiens.
Enfin, il y a un dernier élément à prendre en compte au niveau géobiologique, c’est l’orientation d’édifices par rapport à la direction des courants d’eau souterrains. Nous avons vu dans la première partie que la présence de failles souterraines accompagnées de courants d’eau rendait le lieu particulièrement fort au niveau énergétique. Aussi, construire un lieu de culte dans leur direction permet d’utiliser cette énergie au maximum. Nous allons commencer par citer Jacques Bonvin au sujet des dolmens : « Nous connaissons suffisamment de dolmens qui sont articulés par rapport à des lignes de failles ou à des courants d’eau pour savoir que nous retrouvons très souvent une rivière souterraine dans l’axe de la table. Et dans le cas de certaines allées couvertes dont le couloir central tourne, nous avons constaté également que la disposition même de l’ensemble des pierres est totalement orienté par rapport au sens du passage de l’eau, et que si la rivière axiale tourne, le dolmen tournera aussi ».
De plus nous avons vu pour le cas de la cathédrale de Chartres par exemple, au sujet de la réutilisation de sites ayant servi à un culte antérieur, que toutes les églises qui l’avaient précédée étaient orientées dans la même direction. Il s’agit de l’orientation Nord-est, qui correspond au tracé du cours d’eau souterrain. D’ailleurs, selon Blanche Merz, les édifices sont placés premièrement en fonction de l’eau souterraine et en second lieu par rapport aux points cardinaux.
Implantation de lieux de culte en fonction des forces cosmo-telluriques.
Un autre regard arrive, celui de la recherche alternative. Les techniques de détection biosensibles, issues du monde de la géobiologie ou d’autres sciences, permettent aujourd’hui d’apporter un autre regard qui nous donne accès à un monde énergétique qui est la première clef pour passer à travers les croyances et les légendes sans en dénaturer la cohérence. »
Il faut tout d’abord rappeler la présence quasi automatique de sources ou de puits à l’intérieur ou juste à coté du lieu de culte. Nous avons déjà fait remarquer précédemment l’importance de l’eau dans les sites des églises. Pour mémoire, nous avons parlé de rivières présentes à proximité des cathédrales. De plus dans les abbayes cisterciennes entre autres, une source doit obligatoirement se trouver dans l’enceinte et on trouve le lavabo dans le cloître…
L’eau, en géobiologie a pour rôle de faire circuler l’énergie provoquée par la composition hétérogène du sous-sol. D’ailleurs, en électricité en général l’eau est un très bon conducteur. Donc, le choix d’un site pour un édifice religieux jusqu’à la fin du moyen âge, va demander qu’on s’assure de la présence d’eau et de forces cosmo-telluriques dans le sous-sol.
Nous avons déjà évoqué la question au sujet du rôle cosmo-tellurique d’un bâtiment religieux à un endroit. En effet, ces monuments de pierre servent à rendre positif un lieu qui était à l’origine négatif. Il s’agit donc de son rôle dans un environnement global. Par contre, si l’on prend le problème à l’inverse ; on veut édifier un lieu de culte, c’est-à-dire un lieu qui va permettre une régénération spirituelle pour l’homme. On va donc, tout naturellement chercher des lieux ayant une énergie plus élevée que celle de l’homme pour que celui-ci se régénère. Ces lieux ont déjà été trouvés par les hommes des mégalithes sur lesquels ils ont érigé des pierres qui devenaient des pierres guérisseuses encore utilisées aujourd’hui par les thérapeutes. Certaines sont intégrées dans nos églises et cathédrales et sont sujettes à de nombreuses légendes…
« Un point de vue purement énergétique, il apparaît que l’emplacement d’un menhir, ou d’une autre pierre, mais aussi de n’importe quel autre temple ou sanctuaire est à l’origine d’un mauvais choix, si on en reste au relevé tellurique constaté. C’est dans tous les cas un endroit où l’homme ne peut pas vivre, du moins sans danger grave pour sa santé. » L’énergie va être transformée en énergie positive mais ce n’est pas pour autant que le site va devenir « vivable » pour l’homme ; bien au contraire, c’est un endroit où il faut rester de courtes durées (tout est néanmoins relatif) pour se régénérer, tant le taux d’énergie est élevé.
Mais il nous faut à présent parler de ce site proprement dit ; que contient-il, quelles sont ses particularités ?
Nous constatons par exemple au centre d’un menhir « plusieurs courants d’eau qui se croisent et une concentration anormale de courants telluriques. A cela il faut ajouter d’autres perturbations du sous-sol, comme les failles géologiques qui contribuent à amplifier la nocivité du lieu. »
En effet, « c’est en recherchant des courants d’eau sur les Causses du Quercy, que Louis Merles fit par hasard ses découvertes. Il s’aperçut en effet qu’en suivant sa baguette de sourcier, l’eau l’amenait toujours à un dolmen ou à un menhir. (…) Chaque mégalithe prend sa forme et son sens suivant sa position par rapport à l’artère souterraine. » (illustrations 3 p.138 à149) De plus, comme le soulignait Jacques Bonvin ci-dessus, l’implantation de lieux de culte correspond aussi à des sites comportant une concentration assez importante de réseaux telluriques. Nous n’allons pas ici développer fortement ce sujet dans la mesure où, à l’intérieur de nos églises moyenâgeuses, ces réseaux, qui sont perturbateurs pour le bien être de l’homme, sont repoussés jusqu’aux murs extérieurs des édifices.
Mais revenons plus précisément au cas des églises. A Chartres, la cathédrale est donc implantée en fonction du courant d’eau souterrain qui la traverse. Mais, en plus de cette constatation, au centre du cœur convergent curieusement quatorze cours d’eau souterrains, à égale distance entre le haut de la voûte et l’eau dans le sol, soit trente-sept mètres. Le même phénomène se retrouve dans la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle. Ce n’est donc pas un fait du hasard mais bien les constructeurs qui ont amené cette eau sous l’autel. Ceci permet d’amplifier l’énergie cosmo-tellurique jusqu’au cœur de l’édifice.
Voilà donc pour ce qui est du choix d’un site et des raisons qui ont pu pousser les constructeurs à le choisir. On a pu remarquer cependant que des constantes se retrouvent quelles que soient les explications données, comme la présence de l’eau ou la direction générale de l’orientation…